mercredi 27 octobre 2010

Henri Van Lier / une affaire de noir...

"(...) C'est donc en toutes sortes de sens que la photographie est bien une affaire de noir. Pour ses rouleaux de pellicule et de papier vierges, pour ses boîtiers, pour ses laboratoires de développement et d'impression, ce qu'il y a de premier, comme pour les espaces instellaires, c'est la nuit, la non-lumière dans quoi se manifestent ponctuellement, incidemment, des éventualités lumineuses, surgies de l'ombre et retournant à l'ombre. Le photon photographique ne traverse la nuit de l'appareil que pour refaire de l'ombre, le négatif de l'image latente. Et ce noir tient dans une chambre, avec ses œuvres secrètes et génitales. On ne parle là que de bobines, d'imprégnateurs, de bains, de développateurs et de révélateurs. La photographie est plus utérine que phallique. L'architecte, le danseur, le peintre, le sculpteur, l'artisan, l'écrivain travaillent dans la chambre claire ; même leurs nuits sont éclairées de lumières. Le photographe se meut dans la chambre noire, et il y fait toujours, pour finir, rentrer les futurs regardeurs avec lui.

La photographie est même l'expérience la plus vive de ce que le physicien appelle une boite noire, celle dont on voit bien l'entrée (input) et la sortie (output), mais sans jamais trop savoir ce qui se passe entre les deux. (...)"


Source: Première partie: TEXTURE ET STRUCTURE DE LA PHOTOGRAPHIE / Ch. 6 - LA RÉALITÉ ET LE RÉEL / LE COSMOS-MONDE ET L'UNIVERS / L'ÉVENTUEL ET LA BOITE NOIRE / Henri Van Lier / Philosophie de la Photographie in Les Cahiers de la Photographie, 1983

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Ex journaliste, informaticien, Ecolo, photographe, belge, bedonnant, grisonnant, polyglotte, passant quotidiennement trop heures derrière mon volant. Vous en voulez encore? Parlons plutôt photographie!