Jean-Christophe Bailly / une image efface toutes les autres

"(...) la photo advient dans l'ouvert (qui est aussi cette infinie potentialité que décrivait Talbot) en y faisant quelque chose de fini: l'image latente, en venant, efface un instant toutes les autres images, elle se scelle dans sa propre venue, unique et définitive (...)"

Jean-Christophe Bailly / L'instant et son ombre, essai / Seuil / Fiction et Cie / p50

Fox Talbot / des proprietes qui pour la plupart demeurent latentes

"(...) Par temps lumineux, c'est comme si la nature détenait un pouvoir de création infini, dont on ne peut employer qu'une partie infinitésimale. Il est vraiment fantastique de penser que la totalité des flux solaires de lumière puisent posséder des propriétés si complexes qui, pour la plus grande partie, demeurent latentes et que la plupart des rayons disparaissent dans l'espace sans avoir rencontré d'objet. (...)"

Lettre à Herschel - 1840 - citée par Larry J. Schaaf, The photographic art of William Henry Fox Talbot, Princeton University Press, Princeton, 2000, p72 citée par Jean-Christophe Bailly / L'instant et son ombre, essai / Seuil / Fiction et Cie / pp45-46

Fox Talbot / le mystere de sa venue

"(...) ce que font apparaître les photogrammes, avec cette révélation du réel, c'est le régime de ressemblance autonome qui sera celui du photographique en général: l'image latente, en se manifestant, conserve le mystère de sa venue (...)"

Jean-Christophe Bailly / L'instant et son ombre, essai / Seuil / Fiction et Cie / p44

Caroline De Mulder / c'est l'idee que nous aimons

"(...) Le meilleur tango est celui que nous ne dansons pas. Souvent, c'est l'idée du tango que nous aimons. (...)"

Caroline De Mulder / Ego Tango / Champ Vallon / 2010 / p38

Herta Muller / le souvenir

"(...) J'ai souvent réfléchi à cette phrase, puis je l'ai écrite sur une page blanche. Le lendemain, je l'ai rayée. Le surlendemain, je l'ai remise dessous, biffée, puis récrite. Une fois la feuille remplie, je l'ai arrachée. C'est ça, le souvenir. (...)"

Herta Müller / La bascule du souffle / Gallimard / 2010 / p289

Brassai / beauté

"(...) La beauté n’est pas l’objet de la création, elle en est la récompense. Son apparition, souvent tardive, annonce seulement que l'équilibre, rompu entre l'homme et la nature, est une fois de plus reconquis par l'art. (...)"

Brassai / Du mur des cavernes au mur d'usine / Minotaure / nr 3/4 / décembre 1933

Paul Klee / le visible

"L'art ne reproduit pas le visible, il le rend visible."

Paul Klee / cité par Serge Sanchez / Brassai, le promeneur de nuit / Grasset 2010 / p351

Brassai / une geometrie latente revelee par la nuit

"(...) Brassai réinventait Paris à travers l'objectif de son Voigländer. L'obscurité gommait les détails, dessinait au charbon le quadrillage des pavés, l'alignement des grilles du Luxembourg, les rails du chemin de fer. Une géométrie latente, et que la lumière du jour dissolvait dans une surabondance de couleurs et de mouvements, apparaissait. (...)"

Brassai / cité par Serge Sanchez / Brassai, le promeneur de nuit / Grasset 2010 / p209

Brassai / prendre le voile

"Le voile noir que pendant longtemps dut revêtir le photographe est un symbole. Il signifie que l'homme d'images entre dans un ordre: l'ordre rigoureux du bromure d'argent. Il a renoncé à sa personnalité, à son "je". Désormais, il vivra sous l'autorité de la réalité et vouera son existence au culte des images."

Brassai / cité par Serge Sanchez / Brassai, le promeneur de nuit / Grasset 2010 / p175

Platon / une chose est visible...

"(...) A thing is not seen because it is visible,
but conversely, visible because it is seen (...)"

Souligné par Diane Arbus dans son exemplaire de "The works of Plato" (Diane Arbus, Revelations, Jonathan Cape, London, 2003)

Tout est reponse

"Tout est réponse, si seulement on connaissait la question"

Paul-Eerik Rummo (cité par Sofi Oksanen dans Purge / Stock / 2010)

Robert Capa / les rates du jour J

"(...)With his cameras held high to keep them from getting waterlogged, Capa was pulled aboard the LCI and was soon out of harm's way. He had used three rolls of film and exposed 106 frames. After reaching England, he sped by train to London and delivered his precious film for developing. (...)"

The Magnificent Eleven: The D-Day / Photographs of Robert Capa

"(...)Braddy, our lab chief, gave the film to young Dennis Banks to develop. Photographer Hans Wild looked at it wet and called up to me to say that the 35-millimeter, though grainy, looked "fabulous!" I replied, "We need contacts - rush, rush, rush!" Again I phoned Butler through the AP switchboard, but he could only bellow, "When do I get pictures?" Brandt's wirephoto of troops landing apparently unopposed had scarcely satisfied the West's desperate need to believe in the actuality of invasion. A few minutes later Dennis came bounding up the stairs and into my office, sobbing. "They're ruined! Ruined! Capa's films are all ruined!" Incredulous, I rushed down to the darkroom with him, where he explained that he had hung the films, as usual, in the wooden locker that served as a drying cabinet, heated by a coil on the floor. Because of my order to rush, he had closed the doors. Without ventilation the emulsion had melted. (...)

But on the fourth roll there were eleven frames with distinct images. They were probably representative of the entire 35-millimeter take, but their grainy imperfection — perhaps enhanced by the lab accident — contributed to making them among the most dramatic battlefield photos ever taken. (...)"

John Morris / The Magnificent Eleven: The D-Day / Photographs of Robert Capa

Diane Arbus / parler a l'esprit, pas a l'oeil

"(...) Les photos de Diane [Arbus] parlaient à l'esprit, pas à l'oeil, dit Jerry Ulesman (...)"

Diane Arbus, une biographie / Patricia Bosworth / Seuil / 2007 (traduction de Diane Arbus, A biography / 1985 et 2005) / p383

Diane Arbus / des chose que personne ne verrait

"(...) je crois que je prends des photos parce qu'il y a des choses que personne ne verrait si je ne les photographiais pas. (...)"

Diane Arbus, une biographie / Patricia Bosworth / Seuil / 2007 (traduction de Diane Arbus, A biography / 1985 et 2005) / p356

Diane Arbus / rien de reel

"(...) [Diane Arbus] était persuadée que, grâce à l'objectif, rien de mal ne pouvait vraiment lui arriver. Rien de réel tout du moins. Elle n'avait peur que d'une chose (...) de ce qu'elle avait au fond d'elle. Pas de l'extérieur. (...)"

Diane Arbus, une biographie / Patricia Bosworth / Seuil / 2007 (traduction de Diane Arbus, A biography / 1985 et 2005) / p282

Lisette Model / une tache de memoire

Diane Arbus raconte que "(...) Lisette [Model] m'a expliqué que l'appareil photo aussi était une chose très ancienne, que la tache de lumière sur la couche d'argent du film était aussi une tache de mémoire. (...)"

Diane Arbus, une biographie / Patricia Bosworth / Seuil / 2007 (traduction de Diane Arbus, A biography / 1985 et 2005) / p177

Jean-Philippe Toussaint / appareil ou film ?

"(...) à côté de moi, sur un siège vide, remarquai un appareil-photo abandonné, un petit instanmatic noir et argenté coincé dans un renfoncement de la banquette (...) Je n'avais pas eu l'intention de le voler, non. (...) (p102) (...) je compris que je ne pouvais plus reculer et (...) je commençai à faire des photos en toute hâte pour terminer la pellicule, des photos au hasard (...) appuyant sur le déclencheur et réarmant aussitôt (...) pour achever le plus vite possible le rouleau. (...) je retirai la cartouche de pellicule, que je rangeai dans la poche de mon manteau. (...) (p103) Regardant les vagues en contrebas, je sortis l'appareil de ma poche et, presque sans bouger, je le laissai tomber par dessus-bord, (...) (p106) (...) Cette nuit, j'ai volé un appareil photo, dis-je à voix basse. (...) (p111) (...) songeant que si j'avais gardé l'appareil-photo, j'aurais pu prendre quelques photos du ciel à présent (...) comme un portrait, un autoportrait peut-être, mais sans moi et sans personne (...) (p112) (...) Dans les jours qui suivirent, j'allai retirer chez le photographe les épreuves de photos que j'avais prises cette nuit-là (...) (p115) (...) Aucune des photos que j'avais prises moi-même cette nuit-là n'avait été tirée, aucune, (...) (p116)"

L'appareil photo (roman) / Jean-Philippe Toussaint / Les éditions de minuit / Paris 1988

Pierre Bourdieu / eprouver le pouvoir

«(...) L’attente est une des manières privilégiées d’éprouver le pouvoir, et le lien entre le temps et le pouvoir – et il faudrait recenser, et soumettre à l’analyse, toutes les conduites associées à l’exercice d’un pouvoir sur le temps des autres, tant du côté du puissant (renvoyer à plus tard, lanterner, faire attendre, différer, temporiser, surseoir, remettre, arriver en retard, ou, à l’inverse, précipiter, prendre de court) que du côté du « patient », comme on le dit dans l’univers médical, un des lieux par excellence de l’attente anxieuse et impuissante. (...)»

Pierre Bourdieu, «L’être social, le temps et le sens de l’existence», in Méditations pascaliennes, Paris, Seuil-Points, 2003, pp. 328-329. (source: editionspapier.org)