Au pied de l’escalier, et face au secrétariat, ils conduisent leurs alchimies analogiques. Révélant dans des brouets infâmes, des soupes fétides, des jus toxiques et corrosifs le résultat de leurs manipulations de la lumière. Dans les brumes inactiniques de la chambre noire, les sels d’argent libèrent sur le papier les souvenirs encagés. Dessinent hommes et monstres avec une application un peu stupide. Brillants et fidèles reporters, toujours trop piètres écrivains. Au mieux géniales marionnettes d’un univers ventriloque !
Mais lorsque le soleil, trop rarement et par hasard, se déverse dans le hall de l’académie, le sas de l’entre deux portes révèle ses secrets. Et dans le rituel des photographes, qui s’y arrêtent un instant pour passer d’un monde à l’autre, survient parfois une nouvelle pause.
Car sur la porte intérieure se dessine, comme par miracle, l’image parfaite et inversée du couloir inondé de lumière. Une porte. Un chambranle et tous les détails de leurs moulures. S’ouvrirait-elle, que l’image s’animerait. Et se peuplerait d’humains muets et si légers qu’ils marcheraient sans difficulté apparente sur le plafond.
L’antre des photographes se fait, pour un instant, appareil photographique !
Projetée par le sténopé de la serrure, cette vision fugitive n’a pas sa place sur le papier. Elle est de ces visions si exclusives qu’elles doivent se faire dans le silence et l’immobilité. De ces photographies que l’on ne prendra pas, pour les laisser à leur fugace perfection.
Une image en liberté !
Charles Lemaire
(Texte pour la publication à l'occasion du cinquantenaire et du déménagement de l'Ecole de Beaux Arts de Wavre / mars 2010)
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