Présentation du séminaire de photographie 2004 - 2005
Chacun des deux mots fait référence à ce qui, dans l’image matérielle de la photographie, relève du caché, du secret, du mystérieux.
Ils ne sont pas cependant synonymes.
Le latent implique le temps long, celui de l’ «attente» de ce qui va survenir et surprendre. L’adjectif est emprunté, notamment, au vocabulaire de la physique : la chaleur latente d’un corps est cette énergie susceptible d’être restituée lors de ses changements d’état.
L’image latente photographique ne vaut comme telle qu’en fonction de son potentiel devenir visible. Elle est cette «image qui n’existe pas» mais sera «révélée» lors du développement ou du tirage, corollaire du mystère de l’autonomie du négatif ou du positif photographique.
L’image latente participe d’une forme de transcendance technique.
Au XXe siècle, le mot intègre le vocabulaire de la psychanalyse, celui de la psychologie. Le contenu latent du rêve ne prend son sens que dans la double opposition au visible et à l’actuel. La latence, en outre, est une pesanteur qui ralentit les processus de maturation psychique. Elle est, enfin, ce qui sépare le stimulus de sa réponse physiologique. Donnée quantifiable, elle facilite, pour les cognitivistes, les approches expérimentales de la compréhension.
Les techniques de l’image numérique ignorent l’étape du négatif, remettant en cause la notion d’original. Si les technologies de la photographie numérique mettent bien en œuvre une ineffable image virtuelle susceptible de s’actualiser, le processus de déstockage s’effectue là indépendamment du support. Les conséquences symboliques et culturelles de ce fait restent à évaluer.
Pour le photographe, les images virtuelles offrent réponse à l’immédiat, à l’impatience. Elles changent le sens de l’attente. Chaque information qui les constitue est stockée indépendamment sous forme binaire. Cependant, pas plus que les images latentes, elles n’existent sous forme d’image.
Ce séminaire vise à prendre la mesure du rôle de l’image latente dans la création photographique analogique, depuis l’invention du négatif jusqu’à l’époque contemporaine ; à préciser les modalités du passage de la photographie analogique à la photographie numérique ; à évaluer enfin, les enjeux artistiques, culturels, symboliques de la photographie numérique artistique et de ses images virtuelles.
Par là sera entreprise une évaluation des impensés de la création photographique contemporaine.
M. S."
Source: Programme 2004 - 2005 / Séminaire de photographie, École normale supérieure
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